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Vous avez lu un article sur les Aztèques-Mayas-Incas et à chaque fois on vous a parlé de sacrifices ? Mais pourquoi réduit-on les civilisations précolombiennes à ce rituel ?

arrachage du cœur
Un sacrifice où le bourreau arrache le cœur de la victime. Extrait du codex Magliabechiano (Wikipedia)

C’est sanglant. Les prêtres durant des cérémonies très codifiées, sacrifiaient à tour de bras hommes, femmes ou bien encore des enfants. En  haut des pyramides, les victimes avaient le coeur arraché, une pratique dénommée cardiectomie. Ces sacrifices revêtaient différents aspects. Certains intervenaient pour apaiser la colère des dieux. D’autres n’étaient que de simples d’offrandes en lien avec un mort.

C’est ce que l’on peut voir actuellement au musée du quai Branly dans l’une des salles de l’exposition dédiée au Templo Mayor et aux Mexicas. Dans une vitrine trône des crânes d’hommes et d’enfants. «Jusqu’à aujourd’hui on a récupéré 209 offrandes», précise Leonardo Lopez Lujan, archéologue et directeur du projet Templo Mayor. «Les Mexicas creusaient des cavités où ils enterraient des coffres ou des caisses dans lesquelles on mettait tout type d’objets : des minéraux, des animaux des plantes, des êtres humains mais aussi des objets culturels.»

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En avril 2023, une vingtaine de squelettes ont été retrouvés près de la pyramide de la zone archéologique de Moral-Reforma. De quoi faire dire aux archéologues que l’édifice était lié à la mort ou à une divinité du monde souterrain maya, en raison de traces de décapitation relevées sur certains crânes.

Mais pourquoi cette fascination pour les sacrifices ? Alors que les mayas étaient férus d’astronomie, capables de construire des cités majestueuses, des barrages… Que les Incas maitrisaient parfaitement l’agronomie et plantaient en terrasses. Que les Aztèques avaient créé leur propre calendrier, envoyaient déjà leurs enfants à l’école et avaient séduit Cortès avec leur art de la plumasserie

Quand les Conquistadors déforment la réalité

«Historiquement, les sacrifices humains ont été pratiqués un peu partout dans le monde, mais il est vrai qu’ils sont souvent associés aux populations de l’Amérique préhispanique et plus particulièrement aux Aztèques», souligne Sylvie Peperstraete, professeure à l’Université libre de Bruxelles et spécialiste des religions du Mexique ancien.

Selon elle, ce prisme est en partie du à la Conquête et à la vision importée par les Conquistadors des civilisations précolombiennes : «Pendant longtemps, les seuls écrits diffusés en Europe à leur sujet étaient l’œuvre de conquistadores ou de missionnaires, qui. avaient à cœur de justifier la colonisation et l’évangélisation. Ils se sont délibérément focalisés sur les aspects les plus sanglants de la religion aztèque, qu’ils n’ont souvent pas hésité à encore exagérer, et les stéréotypes se sont ancrés durablement dans l’imaginaire collectif.»

Cette vision déformée des civilisations précolombiennes est en train de changer, mais elle reste encore ancrée dans les esprits. «La recherche a considérablement fait avancer nos connaissances sur les Aztèques dont on dresse désormais un portrait infiniment plus varié et nuancé, mais il y a encore tout un travail de diffusion et de démontage d’idées reçues à faire auprès du grand public», conclut Sylvie Peperstraete.