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Le Codex Borbonicus est conservé en France. Il en dit long sur les Aztèques, leurs croyances, leurs dieux… Décrypté dans un livre par aux Editions Citadelles&Mazenod, Sylvie Peperstraete nous explique comment cela a été rendu possible.


Couverture bandeau Codex Borbonicus

Notre série d’articles consacrés au Codex Borbonicus :

1/ Codex de Dresde, Codex Borbonicus… Qu’est-ce qu’un Codex ?
2/ Sylvie Peperstraete nous raconte comment le livre sur le Codex Borbonicus a vu le jour
3/ Pourquoi les Codex Borbonicus et Grolier ont-ils fait polémique ?
4/ Que contient exactement le Codex Borbonicus ?
5/ Sacrifice ou autosacrifice, quelle différence ?

Quand on demande par mail à Sylvie Peperstraete si elle a vu le Codex Borbonicus de ses propres yeux, elle répond oui avec un smiley. « Avec un groupe de collègues, dans la foulée d’une journée d’études consacrée au Codex Borbonicus en 2017. C’était une opportunité exceptionnelle » , confie la professeure à l’Université libre de Bruxelles, spécialiste de la Mésoamérique préhispanique.

Des analyses réalisées au sein même de l’Assemblée nationale

Il faut dire que ce privilège n’est pas donné à tout le monde. « Pour des raisons de conservation le Codex est manipulé le moins possible et on ne peut pas le consulter à la demande comme on le ferait avec un livre ordinaire. L’accès est limité aux spécialistes travaillant sur le document avec l’accord de la bibliothèque de l’Assemblée nationale et ce, dans des conditions strictes« , explique l’historienne. Pour les besoins du livre, les spécialistes ont donc dû se rendre sur place. « Pour les analyses physico-chimiques par exemple, non seulement celles-ci devaient être «non invasives» c’est-à-dire qu’elles ne pouvaient pas endommager le manuscrit, mais elles devaient aussi être réalisées sur place car le Codex Borbonicus ne pouvait pas sortir de la bibliothèque. Il a donc fallu amener les appareils nécessaires » , précise-t-elle.

Le Codex Borbonicus a été acquis par la France en 1826 lors d’une vente publique. Il est précieusement conservé au sein de la bibliothèque de l’Assemblée nationale qui le « valorise dans la conscience de se trouver dépositaire d’un bien qui intéresse en réalité la culture humaine dans toute son universalité » , écrit Richard Ferrand, ex-président de l’Assemblée nationale dans la préface du livre dédié au document.

Un travail à plusieurs mains

Paru aux Editions Citadelles&Mazenod, ce livre dont l’écriture a été supervisée par José Contel et Sylvie Peperstraete et confiée à plusieurs spécialistes, est une mine d’informations concernant le Codex en question. Sur quel support, il a été rédigé, quels pigments ont été utilisés, quelle était sa fonction, que disent chaque page… Tout est passé au peigne fin.

« Les contributeurs avaient déjà tous une bonne connaissance du Codex Borbonicus, qu’ils aient travaillé directement dessus ou s’en soient servis comme source pour leurs recherches, précise Sylvie Perperstraete. Nous avons convenu d’un format général pour chaque notice puis nous nous sommes répartis les planches en fonction de nos thèmes de prédilection. A chaque fois, nous avons compilé les études disponibles puis préparé le commentaire en complétant ou mettant à jour lorsque c’était possible. Ensuite nous nous sommes relus les uns les autres pour harmoniser le résultat.  »

Mais pourquoi consacrer un livre entier à ce Codex en particulier ? La réponse fuse de la part de Sylvie Peperstraete. « Tout d’abord, la dernière édition du Codex Borbonicus remontait à … 1991 ! En 30 ans, on a énormément progressé dans nos connaissances sur la religion aztèque et une mise à jour des commentaires du Codex était donc la bienvenue. Ensuite, il y a eu la thèse de Fabien Pottier qui était consacrée à une série d’analyses physico-chimiques du Codex et qui a relancé l’intérêt des chercheurs pour ce document, en particulier la controverse sur sa date de réalisation pré ou post-Conquête. Enfin, nous avons eu l’opportunité de travailler en partenariat avec la bibliothèque de l’Assemblée nationale. »

« Une œuvre collective »

Le manuscrit est divisé en deux parties. La première aztèque, la deuxième comporte des influences européennes. Pourtant, elles ont été fabriquées dans un laps de temps rapproché. « On sait que le support a été confectionné d’une traite, et que plusieurs artistes y ont travaillé. Il y avait vraisemblablement des spécialistes des glyphes, du calendrier divinatoire, des vingtaines, etc., et ils se répartissaient le travail. C’est donc une œuvre collective qui a dû demander une bonne coordination. Mais on ignore combien de temps ils ont mis » , indique l’historienne.

Il comporte 36 pages de 40 cm de côté qui sont peintes uniquement sur le recto. Le matériau utilisé pour sa fabrication est d’origine végétale et fibreux. Le manuscrit est plié en accordéon et il a été commenté et modifié par les Espagnols après la Conquête. De part sa taille, on pense qu’il a été fabriqué à des fins de représentation ou bien pour être offert comme cadeau.

Couverture Codex BorbonicusLe Codex Borbonicus, sous la direction de José Contel et Sylvie Peperstraete, paru aux Editions Citadelles&Mazenod. 256 pages, 35 euros.