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Sacrifice et autosacrifice sont très présents dans l’iconographie aztèque. Quetzacoatl, le dieu du Serpent à plumes, est celui à qui l’on doit l’autosacrifice. Mais y a-t-il une différence entre la pratique de l’un ou de l’autre ?

Quetzacoatl, illustration du Codex Borbonicus
Quetzacoatl, illustration du Codex Borbonicus

Notre série d’articles consacrés au Codex Borbonicus :

1/ Codex de Dresde, Codex Borbonicus… Qu’est-ce qu’un Codex ?
2/ Sylvie Peperstraete nous raconte comment le livre sur le Codex Borbonicus a vu le jour
3/ Pourquoi les Codex Borbonicus et Grolier ont-ils fait polémique ?
4/ Que contient exactement le Codex Borbonicus ?
5/ Sacrifice ou autosacrifice, quelle différence ?

Arracher le cœur des victimes, faire couler son sang… A première vue, les rites aztèques peuvent paraître barbares. C’est d’ailleurs un détail sur lequel les colons ont beaucoup insisté pour faire paraître les Aztèques encore moins civilisés qu’ils ne l’étaient réellement. « Les pratiques sacrificielles aztèques ont servi aux colonisateurs comme justificatif de la Conquête. A cette fin, ils les ont rapportées avec luxe de détails, souvent en les exagérant et en les amplifiant« , confirme Sylvie Peperstraete. La pratique qui a le plus marqué les Espagnols est la « cardiectomie, c’est-à-dire l’extraction du cœur, qui était l’une des mises à mort les plus courantes et les plus spectaculaires« , ajoute l’historienne.

Quetzacoatl, le premier à avoir pratiqué l’autosacrifice

Le Codex Borbonicus aborde l’autosacrifice sur les planches représentant Quezacoatl, soit la planche 22 associée au cycle de 52 ans et les planches manquantes de la fin du Codex. Ainsi, page 22, il est dessiné avec une peinture corporelle noire et un masque rouge évoquant le bec d’un oiseau. Sa coiffe possède des taches de jaguar et sur les ornements qu’il porte aux poignets est fiché un os destiné à l’autosacrifice. Il tient aussi dans sa main une bourse à copal. Il revêt ainsi tout l’équipement d’un prêtre.

Les planches manquantes, selon José Contel, l’associent encore plus fortement à cette pratique. Il en veut pour preuve un commentaire présent dans le Codex Vaticanus et qui dit ceci : « Quetzacoatl a été le premier inventeur des sacrifices de sang humain, de toutes les autres choses que l’on offrait aux dieux, et ainsi ils se transperçaient la langue, afin qu’en sorte du sang, ainsi que des oreilles et du membre viril. (…) Il se sacrifia lui-même en extrayant son propre sang avec des épines. »

Deux moments différents

Si Quetzacoatl a été le premier a découvrir le piercing (de manière rituelle), sacrifice et autosacrifice n’ont pas tout à fait la même signification, comme nous l’explique Sylvie Peperstraete.

« Une première différence, fondamentale, est que dans l’autosacrifice on offre son propre sang, alors que dans le sacrifice on offre celui d’un autre. Ensuite, les moments où l’on pratique l’autosacrifice ou le sacrifice ne sont habituellement pas les mêmes. Dans les mythes comme dans les rites, l’autosacrifice précède le sacrifice. Il peut par exemple s’agir de se purifier et d’obtenir du mérite par les macérations que l’on s’inflige, de manière à se trouver dans de bonnes conditions pour célébrer un rite dans lequel aura lieu un sacrifice« , précise la professeure à l’Université libre de Bruxelles.

Les deux pratiques ont cependant un point commun évident : faire couler le sang. Elles peuvent aussi se voir comme un jeu de miroir. « Des chercheurs comme Claude-François Baudez ont souligné l’équivalence entre l’autosacrifice (qui est une mort symbolique que l’on s’inflige), et le sacrifice (où c’est un autre qui meurt)« , ajoute la spécialiste. « Dans certains cas il peut faire office de substitut de celui qui l’offre. Le langage rituel mésoaméricain est très friand de ces jeux de substitutions et répétitions. »

Couverture Codex BorbonicusLe Codex Borbonicus, sous la direction de José Contel et Sylvie Peperstraete, paru aux Editions Citadelles&Mazenod. 256 pages, 35 euros.