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Je me connecte sur Netflix et je découvre en tête des propositions un documentaire qui s’appelle «A l’aube de notre histoire». Ça a l’air intéressant. Voyons voir…

«A l'aube de notre histoire», sur Netflix
«A l’aube de notre histoire», sur Netflix

«J’ai tenu 3 minutes, je ne sais pas ce que fout Netflix» , me répond une connaissance sur Twitter quand je relate ma surprise après avoir visionné «A l’aube de notre histoire».

Il faut dire que cette série documentaire découpée en 8 épisodes a de quoi laisser perplexe. Dès les premières minutes, la mise en scène pose question. Musique angoissante, effets sonores poussés… Tout est comme exagéré. Cependant les images sont belles. On ne peut pas le nier. Mais qui est ce présentateur anglais, Graham Hancok ? Je fais quelques recherches sur Internet. Très vite je tombe sur des articles qui le découpent en morceaux. , archéologue spécialiste de la Grèce ancienne, publie une longue chronique sur le média The Conversation. Il n’y va pas par quatre chemins. «Avec Ancient Apocalypse sur Netflix, Graham Hancock a déclaré la guerre aux archéologues» , écrit-il. Je découvre donc que Graham Hancok se présente comme un journaliste, qu’il est bien connu dans le milieu et ouvertement détesté.

Sa théorie ? Que les anciennes civilisations partout dans le monde n’ont pas existé. Qu’il n’y en avait qu’une seule, bien plus ancienne et que c’est elle qui a construit tous les temples que vous voyez dans le monde. Il ne resterait rien de cette ancienne ancienne civilisation car elle aurait disparu lors d’une grande inondation. Vous avez dit farfelu ?

«Un récit qui prive les peuples autochtones de leur propre héritage»

Dans le premier intitulé «Il y eut un déluge», Graham Hancok nous amène à Gunung Padang, un site archéologique indonésien. Sur une montagne se trouve un amoncellement de pierres taillées. Selon lui, elles ont servi à construire une pyramide. Il fait intervenir un chercheur qui explique avoir sondé le sol et trouvé une cavité. Soit.

L’épisode suivant est consacré la grande pyramide de Cholula. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il enfonce des portes ouvertes en faisant passer pour mystérieux des choses qui ne le sont pas. La pyramide est plus vieille qu’on ne le pense. Il y en a une autre en-dessous, s’étonne Graham Hancok et les personnes qui interviennent autour de lui. Rien de remarquable là dedans. C’est souvent le cas. Une première pyramide est construite, puis une seconde par-dessus ce qui élève d’autant plus le monument. Ce procédé a été utilisé notamment à Chichen Itza. Quelques minutes plus tard, Graham Hancok fait mine de découvrir une pépite : il y a une cavité avec une source en-dessous de la pyramide. Là encore, on le sait, l’eau était le passage vers l’inframonde pour les Mayas, mais aussi pour les Olmèques. Grâce au LiDAR, on a récemment découvert des cavités sous les pyramides. Donc jusque là, rien d’exceptionnel.

Mais après, Graham Hancok établit un lien entre la pyramide de Cholula et le site de Java présenté dans l’épisode précédent. Eux aussi ont construit des pyramides donc ce n’est pas un savoir Aztèque, c’est le fait d’une autre civilisation globale. C’est «un récit qui prive les peuples autochtones de leur propre héritage et de leur ingéniosité», estime Carl Feagans, archéologue à l’université du Texas qui a publié une critique de la série sur son blog.

Pas de contradiction, Graham Hancok peut dérouler son argumentaire

Autre point qui pose problème, tout au long des 8 épisodes, ce sont les personnes interviewées. Personne n’apporte de contradiction à Graham Hancok. Tous vont dans son sens. J’ai cherché le pedigree de tous les intervenants que le documentaire fait passer pour des archéologues érudits. Mais aucun d’entre eux n’a écrit d’article scientifique ou n’est un professionnel reconnu. Problématique. Si le premier épisode peut interroger, le second, puis le troisième et ainsi de suite ne font que mettre en avant sa théorie sur une ancienne civilisation globale disparue. Et avec ses gros sabots. On n’est plus dans la nuance, mais dans l’affirmation sans pour autant étayer quoi que ce soit.

Comme le dit si bien Catherine Richarté archéologue médiéviste, interrogée par Le Parisien : «Il formule des hypothèses sans donner les éléments pour en juger. C’est une démarche anti-scientifique. Il y a de nombreux moments où l’on sent la fumisterie.»

«À l’aube de notre histoire», série documentaire en 8 épisodes. Disponible sur Netflix.